De Neuquen à Futaleufu: Premiers cols Andins par la force des mollets.
loinlabasentandem
1 févr. 2015
12 min de lecture
Après une courte nuit, nous quittons le foyer de Maria à Neuquen pour continuer notre chemin en direction de Bariloche.
Finis la route le long des vergers, nous retrouvons l'asphalte chaude et ventée jusqu'à El Chocon, petite bourgade en bord de lac perdu en plein milieu du désert et où nous faisons notre première étape.
Nous plantons la tante dans un camping en bord de lac. Le cadre nous semble agréable mais très vite le vent vient à nouveau gâcher notre plaisir. Le sable vole dans toutes les directions et s'infiltre partout où il peut. L'intérieur de la tente ressemble vite à un campement du sahara et c'est avec précipitation que nous écourtons notre douce soirée qui avait si bien commencé.
Mais, nous ne nous arrêtons pas à cette mésaventure, et continuons le jour d'après bien décidés à atteindre Piedra del Aguila, prochain petit village étape sur notre route.
Nous pensons diviser le chemin en deux étapes. Une de 50 km qui nous permettrait de profiter des commodités d'un petit lieu-dit sur notre route, avant une dernière grosse étape de 110 km.
Finalement, nous arrivons plus tôt que prévu à notre première étape, ce qui nous fait hésiter à poursuivre notre route et à profiter des vents qui nous poussent pour avancer. Après quelques tergiversations autour d'une bouteille de coca-cola, nous décidons de poursuivre notre chemin. Tant pis, ce soir nous dormirons dans le désert!
Les premiers kilomètres se passent sans encombres, mais au bout d'une heure et demi,
la fatigue commence à se faire ressentir. Le vent toujours aussi fort et les plaines toujours aussi arides et ventées nous découragent de pousser plus loin. Nous avançons ainsi une trentaine de kilomètres jusqu'à décidé de n'en plus pouvoir.
Nous repérons une petite maison de bois sur le bord de la route, et décidons d'y poster devant, notre campement.
.Pour ce soir, il n'y aura aucune source d'eau à proximité, mais avec chance peut-être que le propriétaire nous invitera à rentrer et à nous servir de l'eau de l'abreuvoir des bêtes.
La soirée arrive lorsque deux travailleurs des exploitations environnantes nous accostent pour nous approvisionner en eau. Ils nous font savoir que la maison est inhabitée et souhaitent nous donner un peu d'argent pour la suite du voyage. Nous déclinons l'offre avec gentillesse argumentant que l'argent nous est inutile pour le moment. Par contre, l'eau est la bienvenue car nous ne savons pas quand sera la prochaine source. Nous voilà donc approvisionnés d'au moins 8 litres, ce qui nous donne la possibilité de faire un petit brin de toilette. A défaut d'avoir une rivière, où les douches de la station essence nous avons une bouteille. Le grand luxe !
Le vent forcit en cette fin de journée, et les rafales nous rappellent de mauvais souvenirs. Le sable du désert balayé par le vents s'incruste à nouveau dans la tente, et la nuit promet de ne pas être si reposante car un cochon sauvage ère autour du campement.
Pas très rassurés d'une telle présence, nous faisons silence pour ne pas l'effrayé. Nous l'avons probablement dérangé lors de son trajet le menant à la source.
Décidément le désert nous réserve bien des surprises !
Après une nuit de sommeil un peu courte, nous nous remettons en route le jour d'après, bien décidés à atteindre cette fois-ci Piedra del Aguila.
Lorsque nous reprenons le chemin, le vent est insoutenable. Arrêté par aucun obstacle, il forcit dans les plaines ; et les belles lignes droites qui d'habitude sont pour nous un terrain de jeu, deviennent vite notre enfer.
Nous peinons à pédaler les 70 km qui nous séparent de Piedra del Aguila. D'ailleurs, nous mettons pied à terre à plusieurs reprises sur les derniers kilomètres de montée avant l'entrée du village, pour pousser le vélo.
En pleine montée, un panneau publicitaire pour une station essence fait office de supporter lorsque nous levons le nez , et y voyons écrit « Courage, vous y êtes presque ! ». Pour la première fois, nous n'avons jamais été aussi heureux de voir un bout de civilisation et surtout un encouragement. Et mine de rien le pouvoir de la publicité est là: en arrivant au village, nous prenons notre douche dans cette fameuse station essence et remplissons copieusement nos estomacs affamés.
Nous quittons Piedra del Aguila le lendemain, et commençons notre ascension vers un col se situant à un peu plus de 1000 mètres d'altitude. Nous ignorons alors que la journée va être encore plus difficile que la précédente. 70 km avec un vent de face sur du plat, c'est sport !80km de montée avec toujours un vent de face, ça devient carrément musclé !
On se soutient mutuellement, on se bichonne par des petites pauses cafés quand le froid commence à nous saisir ; mais rien n'y fait, le moral en prend quand même un coup en fin d'après-midi. et s'est fatiguée par tant d'effort que Fanny craque peu de temps avant l'arrivée en haut du col. Heureusement le soutien de Tancrède est infaillible, et après un peu de réconfort nous revoilà montés sur nos selles près à en finir avec cette ascension.
Quelques minutes plus tard, nous entamons une descente gratifiante d'environ 18 km- l'opportunité pour nous de profiter pour la première fois de la magnifique vue sur les Andes .
Voilà, après tant d'efforts nous y sommes ! Nous voulions les montagnes, nous les avons, avec son lot de difficultés mais aussi ses nombreuses joies qu'elles nous procurent...
Arrivés à l'embranchement des routes qui mènent à Bariloche et Junin de Los Andes, nous bifurquons vers Junin. Nous longeons un magnifique lac et repérons un endroit au bord de l'eau pour y bivouaquer. Coupés du vent, nous retrouvons réconfort autour d'un feu. Ici, finis les salades fraîches, place aux soupes !
Et ainsi, nous repartons ce mercredi 31 décembre sur les routes de la province de Neuquen. Il n'est pas prévu que nous dormions à Junin ce soir là. Mais lorsqu'au bout d'une quinzaine de kilomètres, nous nous mettons à envisager la possibilité de dormir au chaud dans un lit, et de fêter le nouvel an au restaurant, la motivation revient comme par enchantement.
Le vent toujours aussi fort mais légèrement de côté, rend notre avancée un peu plus facile à chaque virage que nous amorçons.
Les trente derniers kilomètres sont néanmoins difficiles. Nous grimpons depuis une heure et demi lorsque le ciel s'assombrit, et prenons sur le nez une pluie diluvienne. Les températures ont chuté d'au moins 15 degrés depuis deux jours, et nous terminons glacés notre ascension vers Junin.
Néanmoins, la chance de la nouvelle année est avec nous ; nous trouvons une petite auberge bien sympathique pour nous accueillir. Pas de lit matrimonial, mais une petite chambre privée douillette avec des lits individuels nous attendent ici.
Bienvenue à Junin de Los Andes, capitale de la pêche à la truite de la province de Neuquen !
Ici, les panneaux de signalisation sont illustrés par des truites et les maisons sont en bois.
Nous fêtons la nouvelle année dans cette ambiance de montagne modeste et si particulière. Tancrède s'effondre à 23h00 et Fanny veille dans la salle commune de l'auberge attendant la nouvelle année.
A 00h00, quelques pétards retentissent, et la lueur des feu de camp dans les jardins annoncent une nouvelle année pleine d'espoir qui commence.
Nous décidons de ne pas rouler le 1er janvier. Après tout, c'est un jour férié, donc nous aussi on se repose. On mange, on flâne en regardant nos guides de voyage, et on fais le pleins de nouvelles sur internet.
Le 2 janvier, on se remet en route en direction du parque national Lanin afin d'aller y admirer son célèbre volcan, du même nom.
Nous quittons Junin de los Andes, par une route bitumée, mais arrivés à la lisière du parc, la route se transforme en chemin de piste quasiment impraticable en vélo.
On en a avait entendu parlé en long,en large, et en travers de ce fameux ripio, mais nous avions du mal à imaginer concrètement à quoi cela pouvait ressembler.
On nous avait dit « Vous allez voir, c'est du gros cailloux avec pleins de nids de poule » ou encore « c'est de la tôle ondulée qui vous fait joyeusement sauter sur vos selles».
Quoi les routes sont en tôles ondulées ?
Bref, on s'en serait bien passés du ripio, mais malheureux cyclistes que nous sommes, ici en Argentine, on y coupe pas !
Et très vite, on comprend toutes les explications impossibles et inimaginables que les gens essayent de nous donner sur le ripio depuis le début de notre voyage.
Le ripio, est semblant de chemin de piste fait des nids de poule, des monticules de gros cailloux pas tassés et dans lesquels l'on vient gaiement s'enfoncer, de sable et oui, de tôle ondulée !
Forcément vous vous imaginez bien que la route n'est pas faite de tôle (bien que dès fois on en doute...) mais cela y ressemble fort, tant les ondulations que les déformations de la route ont produit ressemblent à de la tôle ondulée.
Les effets néfastes sur le cycliste sont nombreux. Nous les avons compté au nombre de 4 :
-Un tape-cul fréquent, vif et régulier sur nos selles ( ce qui vous laisse imaginer l'état de notre dos et de nos fessiers à la fin de la journée).
-Des vibrations dans les épaules et les avants-bras produisant des douleurs cervicales d'intensité variables.
- De la mécanique abîmée : un boulon qui saute par ici, une visse par là, une remorque cassée...
-Et surtout l' altération du moral du cycliste, hurlant à souhait que l'on ne l'y reprendra plus et que ce voyage est bel et bien le dernier de toute sa vie;) !
Bref, le ripio c'est pas fun, et c'est avec joie que nous avons terminé nos 30 km nous menant devant le Volcan Lanin.
Les parcs nationaux étant payants en Argentine, nous décidons d'esquiver la visite du parc en nous plaçant sur l'autre rive du lac Huechulafquen. Cette partie n'est pas payante, et de là, nous pouvons y admirer tout aussi bien le Volcan. Et quel spectacle ! On en oublierai presque toutes ses souffrances endurées...
Nous trouvons un petit camping chez un particulier non loin du bord de l'eau. Nous sommes arrivés chez Valdo et sa maman Aurora de 94 ans, deux siciliens aux caractères bien trempés!
Valdo nous accueille les bras ouvert, nous offrant ainsi le camping pour la nuit. Nous faisons connaissance autour d'un maté, puis du diner que nous préparons.
Nous nous couchons indécis sur le programme du jour d'après. Nous devions rester qu'une nuit et repartir le lendemain, mais Valdo semble tellement heureux de nous avoir ici chez lui, que nous hésitons à reprendre la route.
Finalement, nous nous décidons de rester une journée supplémentaire. Au programme repos et dégustation de pizzas que Fanny aura préparée sous l'oeil avisé d'Aurora.
Nous repartons du lac Huechulafquen en direction de San Martin de los Andes,et réempruntons pour sortir du parc l'unique route en ripio qui nous avait mené jusque ici deux jours auparavant.
Le chemin retour est tout aussi difficile que l'aller.
Sous les secousses de la route, la remorque se détache à plusieurs reprises, et à chaque fois Tancrède peine à la rattacher au vélo. La dernière, est la fois de trop. Tancrède voulant taper dans un élan de colère dans la sacoche de vêtements, ripe et envoi son poing dans la sacoche où se trouve nos gamelles pour cuisiner.
Le bruit sourd annonce l'état de la main. De suite, sous le gant, le membre apparaît tout boursouflé et nous pensons sans le moindre doute à une fracture.
Nous continuons reprenons rapidement la route afin de rejoindre au plus vite l’hôpital de Junin de Los Andes à 5 km plus loin. Sans grande surepise, on nous confirme que le 5ème métacarpe est cassé.
L'interne nous envoi néanmoins consulter un traumatologue à San Martin de Los Andes afin que Tancrède soit ausculté par un spécialiste. Nous prenons donc la route pour San Martin dans l'après-midi après notre passage éclair aux urgences. Décidément, plus rien ne nous arrête même avec la main dans le sac.
Quelques heures plus tard, nous arrivons dans la très branchée et touristique ville de San Martin de Los Andes. Nos premières impressions sont plutôt bonnes. La ville est plutôt bien organisée, coquette, et les gens au volant plus courtois qu'autre part dans le pays.
Ici les voitures s'arrêtent pour laisser passer les piétons. Cela nous semble exceptionnel !
Mais derrière cela, nous ne retrouvons pas ce qui dès fois nous fait un peu grincé des dents mais qui fait tout le charme de l'Argentine. Nous avons l'impression d'être arrivés à Disneyland et cela manque un peu d'authenticité.
Impossible de camper près des stations essence, et l'unique camping qui existe affiche un prix exorbitant: 250 pesos, soit 25 euros la nuit!
On part de là, bien décidés à ne pas se faire avoir Nous, on roule en tandem, pas en Q7 d'Audi !
Finalement, après avoir tourné quelques temps dans la ville, Fanny se décide à aller demander à une petite maison d'artisans si nous pouvons mettre la tente au fond de leur jardin.
Pour une centaine de pesos, nous voilà donc installé au fond d'un petit hâvre de paix. Nous avons accès à la cuisine, et à la salle de bain. Que demander de plus ?
Nous nous présentons le lendemain à l'hôpital de San Martin. Et là, c'est tout un sketch qui commence et qui durera 3 jours.
3 jours, pour nous dire que finalement, qu' il ne sera pas possible devoir ce fameux traumatologue car un coup, monsieur est en congés, un autre coup il est parti au bloc opératoire en urgence, et encore un autre il nous a tout simplement oubliés.
Mais bon sang, il n'y a qu'un médecin compétent dans cet hôpital ?
Finalement au bout du 3ème jour , lorsque nous arrivons à finalement voir un supposé spécialiste
Tancrède perd patience, et refuse le plâtre qu'on lui propose.
Qui dit plâtre, dit immobilisation forcée et fin de voyage. Pour lui, une atèle peut suffire !
Le médecin pas très d'accord avec ce genre de pratique, mais pas contrariant non plus enroule la main blessée dans un énorme bandage qui nous semble ne pas être fait dans les règles de l'art. Hop un bout de bandage par ci un bout de scotch par là, Tancrède est content et la main est sauvée !
San Martin que devait être juste une petite étape sur notre chemin, s'est finalement transformé en camp de base le temps de 4 journées.
C'est donc un peu tristes comme toujours, que nous quittons ce jeudi 8 janvier nos adorables hôtes : Juan, Suzanna et Pachu, leur adorable chien pour nous mettre en direction de Bariloche.
De San Martin débute la fameuse route des 7 lacs qui doit nous mener à Bariloche à une centaine de kilomètres plus au sud. Comme son nom l’indique, nous déambulons dans un décor de montagne sublime, approchant pas moins de 7 lacs aux eaux bleus sombres et cristallines durant trois jours...
Mais l'idée que nous nous faisions de cette fameuse route, nous déçoit un peu. Nous pensions pouvoir accéder plus facilement aux lacs pour s'y baigner et bivouaquer, et finalement nous sommes cantonnés à les survoler par la route qui les longe en surplomb.
Mais le bonheur se trouve là où bien souvent nous ne le cherchons pas !
A Villa Angostura, peu avant notre arrivée à Bariloche, nous rencontrons Alban et Marie, un jeune couple de bretons en voyage dans les Amérique en camping-car avec leur quatre enfants. Il nous offre un bon chocolat chaud et des tartines de pain beurré. La première depuis deux mois ! De quoi ravir nous bouches en manque de saveur du terroir.
Nous atteignons finalement Bariloche le samedi 10 janvier. Là encore, ce ne sera qu'une ville étape sur notre chemin. On ne s'y attarde pas trop car un peu dans le même esprit que San Martin, Bariloche est touristique à outrance et guindée. Loin, de ce que l'on recherche !
Le décor sublime dans lequel a été battis la ville, retient néanmoins notre attention et nous décidons d 'y consacrer la journée du dimanche pour y faire un circuit en vélo.
La chance nous sourit, car nous rencontrons sur notre chemin Caroline une jeune française, récemment installé avec son compagnon à Bariloche pour le travail.
Connaissances faites, ils nous offrent le gîte et le couvert pour notre dernière nuit ici. Nous passons avec eux une agréable soirée et achevons notre aventure des 7 lacs autour d'une bonne bière et une bonne viande grillée.
Nous quittons Bariloche le lundi matin. Mais en premier, direction le marchand de cycle. Ces derniers temps la mécanique en a pris un coup sur le ripio. En plus, on va bientôt attaqué la partie chilienne du voyage et il nous faut une mécanique neuve.
On décide dont de faire une petite révision du vélo, et de changer axe de roue arrière, chaîne, et cassette de vélo avant de nous remettre en route.
Suivi d'un petit restaurant, c'est avec un vélo tout neuf et les ventre bien lourds que nous reprenons la route en fin de journée. Et quel bonheur de ne plus avoir cette chaîne qui saute tout le temps...
On sort de la ville par la partie moins glorieuse de Bariloche : ses bidonvilles ; Et très vite on rentre à nouveau dans le Parque Nacional Nahuel Huapi. On roule deux petites heures, avant de trouver un petit bivouac en bord de rivière à l'écart de la route.
Perdus en plein parc, nous retrouvons les bruits connus et parfois inquiétants de la nature ...et surtout plus de tranquillité, loin du rythme effréné des lieux touristiques que nous avons traversé ces derniers jours.
Le lendemain matin, nous tombons par le plus grand des hasards sur Anne-Claire et Romain, un jeune couple en tandem en route également vers Ushuaia. Nous taillons un bout de route avec eux jusqu'à El Bolson, à 200 km plus au sud de Bariloche, puis jusqu'à Futaleufu au Chili. Au final c'est une semaine que nous passons ensemble.
Sur la route un peu plus loin, nous rencontrons un gang de soixante-huitard, quatre papy français à vélo voulant rejoindre Ushuaia également.
C'est confirmé l'appel de la ville du bout du monde se fait de plus en plus fort. Nous sommes en Patagonie, et nous sommes tous à la poursuite du même grand rêve...
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