Dans la tourmente de l'état de Corrientes
- loinlabasentandem
- 13 déc. 2014
- 10 min de lecture

Nous passons Posadas, la capitale de Misiones ce dimanche 30 novembre. Notre passage marque la fin d'un périple difficile dans cet état extrêmement valloné. Il fait très chaud ce jour-ci, et pour gagner du temps, nous voulons nous essayer au camion-stop.
Nous prenons la national 14 en direction du sud, et nous éloignons d'une cinquantaine de kilomètres de Posadas pour essayer de trouver un camion dans la ville de San José, point de passage principal pour se rendre à Concordia et/ ou Buenos Aires.
Fanny y croit fort , et est intimement persuadée qu'il sera aisé de trouver un camion qui acceptera de nous avancer un peu.
Nous faisons une première tentative à la barre de péage se trouvant sur notre chemin, sans succès. Puis arrivés à San José, nous nous postons à l'unique endroit où transitent les camions : la station essence.
Ayant pris tôt la route ce matin là, nous arrivons à San José en début d'après-midi ce qui nous laisse le temps d'aller aborder quelques routiers.
Fanny, avec sa facilité de communication se lance donc à l'assaut pour trouver un camion. Elle aborde pendant plus de 2 heures une bonne quinzaine de camions. Malheureusement, aucun de ses charmes n'aura fonctionné car à 17h, nous sommes toujours plantés sur place à attendre.
Le soleil descend peu à peu, la nuit arrive et il est temps de s'arrêter là pour aujourd'hui.
Alors que nous nous décidons de planter la tente sur le terrain vague qui jouxte la station essence, nos deux amis Mieke et Niko passent à nouveau devant nous avec leur tandem (cf récit précédent).
Nous sommes surpris par cette rencontre fortuite. Nos chemins s'étaient séparés au carrefour des autoroutes à Posadas. Nous allions vers le sud, alors qu'eux devaient continuer la route vers l'ouest en direction de Corrientes.
Finalement, n'ayant repérés sur leur carte aucun village à plus de 80 kms de Posadas, il se sont décidés à dévier leur route pour pour rouler sur une route moins désertée.
Nous serons donc accompagnés de leur présence, ce soir là. Nous plantons les tentes sur ce terrain vague aux allures de décharge publique. Alors que nous sommes plutôt habitués à dormir dans des lieux pas toujours très agréables ; il en est autre chose de Mieke et Niko.
Le bruit des aires conditionnés de la station essence, qui se situe à l'arrière du bâtiment ; la lumière des lampadaires, et l'environnement pas très propre dans lequel nous dormons les empêchera de passer une bonne nuit.
Nous nous réveillons le lendemain à 5 h 30 pensant être les premiers debout, lorsque nous nous rendons compte que nos compagnons de route sont réveillés depuis bien plus longtemps. Nous sortons de notre sommeil alors qu'eux prennent déjà la route.
Nos chemins se séparent là à nouveau, chacun évoluant à son rythme et au gré de ses possibilités.
Nous suivons Mieke et Niko peu de temps après. Nous parcourons une vingtaine de kilomètres lorsque sur la route nous voyons un attroupement de voitures stationnés, et une foule se déplacer vers l'entrée d'un terrain vague.
Curieux par tant d'agitation, nous faisons une halte sur le terrain de stationnement et décidons de nous approcher d'un peu plus près pour voir ce qui s'y passe. Un couple nous aborde nous expliquant que tous les 30 novembre de chaque année se fête la Santa Catalina, patronne de la justice.
Nous rentrons dans la propriété privée où se tient la fête et sommes accueillis par Marcelo. . Chemise bleu à carreau, sombrero de cuir, termos d'eau chaude sous le bras, et maté dans une main, Marcelo quinquagénaire, à des allures de Gaucho et de propriétaire terrien hautement important !
Il s'exalte de rencontrer des étrangers ici, et pas peu fier, commence à nous faire faire le tour du propriétaire ; nous exhibant aux uns puis aux autres.
Ils nous présente à ses connaissances, et même à ceux qu'il ne connaît pas... !
Mais sa manière de nous présenter, comme si nous étions des personnes importantes, nous mets un peu mal à l'aise.
Nous déambulons dans le parc de la propriété découvrant ainsi les plantations de la Yerba de Maté. Nous participons de loin aux commémorations de la Santa Catalina, et approchons de près l'endroit où sont en train de cuire les morceaux de viande géants des 50 vaches sacrifiées pour l'occasion.
La Santa Catalina, est le plus grand barbecue d'Argentine : c'est plus de 20 000 personnes qui y participent, et 20 000 kilos de viande préparés. Ici, oubliez le végétarisme !
Un morceau de viande nous est promis par Marcelo. Impossible pour nous de louper ça, nous décidons donc d'attendre midi pour partager avec eux le déjeuner. Puis, nous nous remettons
en route dans l'après-midi pour rejoindre Virasoro à une trentaine de kilomètres de là.
La journée est lourde et nuageuse en cette après-midi. Lorsque nous arrivons à Virasoro deux heures plus tard, nous ne trouvons aucun camping où passer la nuit. Nous nous arrêtons à la station essence à la sortie de la ville pour demander un endroit où poser la tente. Le pompiste nous indique le terrain vague à l'arrière de la station. Cette fois-ci, il semble propre et nous camperons parmi les moutons.
Pendant que Tancrède s'occupe du campement, Fanny repart à la chasse d'une bonne âme qui pourrait nous avancer jusque Concordia. Elle repère une petite camionnette blanche sur le parking de la station essence, et décide d'aller accoster son propriétaire.
Victor, n'est autre qu'un exploitant forestier de la région. Il nous donne son accord pour que nous voyagions le lendemain avec un de ses routiers jusque Concordia.
La soirée se passe en sa compagnie. Nous faisons longuement connaissance installés dans la station essence, lorsque la pluie arrive.
Le vent forcit, les précipitations aussi, et ce que nous pensions être un petit épisode pluvieux se transforme en terrible orage. Nous quittons la station essence inquiets afin de rejoindre le campement pour voir comment celui-ci se comporte.
Ni une, ni deux, nous nous déshabillons et nous jetons sous les trombes d'eau qui s’abattent sur nous. La route se remplie d'eau à une allure effrénée, et la violence avec laquelle s'abat cet orage est presque irréelle
Lorsque nous arrivons au campement, nous découvrons avec effroi que notre tente a été emportée par la pluie. Une armature métallique s'était rompu deux jours plus tôt, deux autres viennent de nous lâcher à leur tour.
Les sacoches que nous avions laissés dans le sas d'entrée de notre tente se trouvent désormais éparpillés à l'extérieur de celle-ci. Nous essayons de sauver aussi vite que possible vêtements et effets personnels. La chambre où nous avions préparés nos couchages est par contre toujours hors d'eau. Nous essayons tant bien que mal de retenir la tente prête à s’effondrer au moindre coup de vent. Après une quinzaine de minutes d'agitation intense, le calme revient enfin !
Nous en profitons pour bricoler une réparation de fortune, et nous enfermons dans la tente quand la pluie reprend de plus belle quelques instants plus tard.
Ces événements nous coupent la faim. Nous grignotons un bout de gâteau et nous enroulons dans nos duvets. Il est 20h30 et nous nous endormons inquiets de la nuit qui s'annonce.
Quelques heures plus tard, Fanny se réveille en sursaut en plein milieu de la nuit. Une visite inespérée nous réveille. La silhouette d'un homme se reflète sur la toile de la tente. L'homme alcoolisé, nous demande si nous sommes les propriétaires du vélo, et si nous n'avons pas vu passer dans les parages son compagnon de bouteille. Toujours endormie dû au réveil brutal, Fanny baragouine quelques mots emplis de peur.
L'homme reste quelques instants, puis s'éloigne de la tente et passe son chemin. Nous nous précipitons dans la foulée à l'extérieur pour voir si notre vélo est toujours là. Heureusement, Bixi est toujours à nos côtés.
Nous nous recouchons pas très rassurés. Le sommeil veut nous emporter, mais l'inquiétude est palpable. Nous essayons de dormir tout en veillant aux alentours.
Quelques minutes s 'écoulent, et alors que nous commençons à nous rendormir, Tancrède rouvre brutalement les yeux à l'affût d'un nouveau bruit. Nos corps se figent, nous faisons silence, et détenons notre souffle le temps de quelques instants.
Notre crainte se confirme, un inconnu rôde à nouveau autour de la tente. Nous apercevons sa silhouette. Les minutes qui s'écoulent nous paraissent une éternité. Puis, le silence gagne le campement, et nous sentons l'homme s'éloigner.
Celui-ci reviendra un peu plus tard une troisième fois. Malgré l'inquiétude du moment, nous pensons que l'homme est passé par le terrain sur lequel nous campions pour aller acheter des bières à la station service cette nuit là.
Quoi qu'il en soit, la nuit de ce dimanche n'est pas de tout repos, et c'est avec hâte que nous nous levons le lundi matin pour prendre le camion promis par Victor, et qui nous emmènera à Concordia.
Malheureusement au réveil, Victor nous annonce la mauvaise nouvelle que nous redoutions tant.
Le camion ne pourra partir ce jour-ci. La pluie ayant rendu les sols des forêts impraticables , il est impossible pour les exploitants forestiers d'accéder à leurs passerelles de terre et d'y charger le bois dans les camions. Il faut attendre des jours meilleurs pour que les terrains deviennent à nouveau praticables.
Nous prospectons avec son aide d'autres camions qui se rendraient à Concordia, mais ne trouvons aucun routier qui prendra la route cette journée là. Nous décidons donc d'attendre le lendemain pour partir et prenons une petite chambre d'hôtel pour récupérer de la nuit passée et avoir internet.
Le mardi nous attendons un appel de José, le routier qui doit nous mener à Concordia ; en vain. Nous profitons de ce temps mort pour réparer notre tente et faire ce que nous n'avons pas le temps de réaliser lorsque nous sommes sur la route : la lessive, le pleins de courses, etc...
Lorsque nous nous rendons à la banque, nos deux cartes de crédits sont malheureusement refusées par toutes les banques de la ville. Nous faisons donc un envoi par Western Union pour pouvoir avoir quelques pesos sur nous le temps de retirer de l'argent dans une plus grande ville.
Fanny s'envoie de son propre compte environ 200 euros, ce qui devrait nous permettre de tenir jusqu'à notre arrivée à Concordia.
Hors, lorsque nous arrivons à l'agence Western Union pour retirer l'argent, la gérante nous fait savoir qu'elle n'est pas habilitée pour les transactions internationales, et que nous devrons nous rendre au bureau de poste de Santo Tomé ; la prochaine grande ville sur notre route, pour retirer cet argent.
Il est 16h30, et il nous est juste impossible de nous rendre à Santo Tomé avant que la poste ferme ses portes. Nous voilà donc repartis à passer une troisième nuit à Virasoro.
Cependant, hors de question de payer pour dormir !. Il nous reste 100 pesos en poche et nous préférons les garder pour manger. Nous décidons donc de camper dans la station de bus. Autorisation accordée, nous nous faisons un nid douillet dans un endroit un peu protégé de la vue des passants. Malgré les quelques allés et venus des voyageurs tardifs, la lumière éblouissante des néons, et le bruit des postes de télévision, nous dormirons à poing fermés.
Au réveil de ce mercredi, toujours aucun signe de vie de José, notre camionneur.
Nous abandonnons tout espoir de prendre un camion, et prenons donc la route en vélo pour Santo Tomé.
En arrivant en ville, nous nous hâtons de nous rendre au bureau de poste pour retirer l'argent. Nous sommes accueillis par un homme peu aimable. Ce dernier nous refuse le retrait car nous n'avons pas en nôtre possession un certain numéro fiscal qui est attribué à toutes personnes vivant sur le territoire argentin.
Le gérant de la poste, nous dit qu'il faut nous rendre aux bureau des douanes se trouvant à la frontière avec le Brésil à une quinzaine de kilomètres de là, pour aller demander ce dit numéro. Mais il faut attendre le lendemain car les bureaux ferment à 16h00 !
Nous acceptons la nouvelle un peu dépités. On commence à avoir l'impression que le sort s'acharne sur nous. Mais bon, on prend notre mal en patience en se disant que la fois prochaine sera la bonne.
Pour passer le temps, nous réessayons pour la énième fois de retirer de l'argent dans les différentes banques de Santo Tomé. Mais cela ne fonctionne toujours pas.
Le moral est en baisse. Forcément on pense à la suite du voyage. Va t-il être possible de continuer ainsi, si tout semble aussi compliqué ?*
Nous arrivons tout de même à trouver un endroit calme pour passer la nuit le long du fleuve Uruguay. Le lieu nous est recommandé par Juan Sebastian, le vétérinaire de la ville, qui nous viendra également en aide, en nous donnant 150 pesos pour nous acheter de quoi manger.
En nous couchant, nous recevons comme par miracle un message de José, nous faisant savoir qu'il quitte Virasoro le lendemain et qu'il peut nous emmener jusque Concordia.
Nous nous couchons sur cette bonne nouvelle. Tout ne peux pas être si mal après tout !
Réveil 5 heures ce jeudi. On pli le campement en ni une ni deux, et nous voilà repartis plein d'entrain au bureau de poste.
Un agent des douanes doit venir nous chercher pour que nous allions faire avec lui les formalités administratives pour obtenir notre numéro fiscal !
Mais lorsque on se présente au bureau des douanes, une administratrice qui s'occupe de notre cas, nous fait savoir qu'il est impossible de nous fournir le numéro. Elle nous explique qu'il faut nous rendre au bureau du gouvernement pour y demander un numéro fiscal fictif. Mais cet entrevu ne peut se faire dans l'immédiat. Un délai de deux ou trois jours est nécessaire, ce qui nous fait attendre jusque au mardi de la semaine d'après.
En entendant ces paroles, c'est tout notre désespoir qui surgit. La patience que nous avions jusqu’alors commence à s’immuniser , et Fanny craque littéralement dans les bureaux des douanes.
L'agent des douanes prenant pitié de notre cas, nous conduit chez lui pour que nous puissions passer quelques appels.
Nous contactons le numéro d'urgence de l'ambassade de France en leur demandant d'intervenir. Malheureusement, leur marge d'intervention est limitée et le mieux qu'ils pourront faire est de nous mettre en contact avec Western Union.
Un peu désespérés nous ne savons que faire. On s'imagine déjà croupir au fin fond de ce trou...
Mais dans un élan d'espoir, nous nous souvenons que José passe aujourd'hui même par Santo Tomé avec son camion. Si nous avons de la chance nous ne l'avons pas loupé.
Nous profitons donc d'avoir une ligne téléphonique pour le contacter !
Bingo, ça répond !
On se met d'accord sur le lieu de rendez-vous et l'heure de rencontre.
A 12 h nous rejoignons la station essence à l'entrée de la ville pour y rencontrer José.
Il apparaît là quelques instants plus tard avec son gros camion !
Le sourire au coin des lèvres, et le visage illuminé, nous attachons Bixi sur son chargement. Nous sautons enfin dans le camion qui nous mène jusque Concordia et quittons l'état de Corrientes sans un sous... mais emplis d'espoir qu'une fois à Concordia les choses iront mieux.
Le système bancaire argentin est de plus en plus verrouillé sous l'actuelle présidence. Pour éviter le blanchiment d'argent et la fuite de capitaux les citoyens sont restreints sur le montant et le nombre de retraits effectués par personne et par semaine. Les touristes subissent donc au même titre que les locaux cette règle.
De plus, les prix ont considérablement augmenté dû à l'inflation du pesos,qui a pris presque 50% d'inflation depuis l'année passée. Voyager en Argentine représente un coût que nous n'avions pas calculé.
Comments